rp maija (damage).

La chirurgie. La seule chose qui la maintienne en vie, qui lui donne une raison de se lever. Trouver la force de quitter cet appartement. Fini les rires d'enfant. Pas de souvenirs joyeux entre ces quatre murs. Les murmures sont restés dans leur ancienne maison. Seul restent les photos. Son nom. Dernière connexion avec Anna. Les couloirs de cet hôpital semblent lui apporter l'oxygène dont elle a besoin. Ces enfants à qui Maija promet de rendre leur monde un peu plus féérique. Un moyen de se racheter. De promettre à leurs parents qu'elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour les aider, les sauver. Faire ce que ses collègues n'ont pas pu faire pour elle. Pour eux. Mains plongées dans cet abdomen, plus rien n'existe autour d'elle. Le silence du bloc opératoire. Tout s'envole lorsque les portes sont franchies. La vie entre ses mains devenant prioritaire, surtout lorsqu'il s'agit d'enfant. La pédiatrie a toujours été son choix de prédilection. L'endroit où elle excelle. Domaine qui était devenu sa spécialité. La fin de sa garde est proche. Maija pourra bientôt rentrer, se reposer. Laisser les cauchemars revenir à elle. Une fois le bloc quitté, elle pourra souffler. C'est sans compter son bipeur qui s'affole alors que l'intervention touche à sa fin. « Quelqu'un peut me dire de quoi il s'agit? » Un interne finit par s'approcher de la table. « C'est votre mari Doteur Abott. » Regard noir. Tout se sait dans cet hôpital. La dissolution de leur mariage, et la raison pour laquelle ils s'étaient déchirés n'était donc un secret pour personne. « Ex-mari. Désolé. On vous demande aux urgences. » Le silence reprend sa place. L'heure est plus avancée qu'elle ne l'aurait cru. Maija n'aurait jamais pensé un jour être ravie que leurs gardes soit en décaler. Travailler ensemble était devenu bien trop difficile. Elle ne supportait plus de se battre. Ils étaient supposés s'aimer jusqu'à ce que la mort les sépare. Pas se haïr. A l'idée de se retrouver à ses côtés elle sent son rythme cardiaque s'emballer. Ils avaient toujours formé un bon duo. Plus maintenant. Pas alors qu'elle craint de croiser son regard et que la tension est palpable. « Schmidt tu peux fermer? »

Acquiescement obtenu elle sait qu'elle laisse cet enfant entre de bonnes mains. Le plus dur était passé. Gants, surblouse, le tout rejoint la poubelle et elle quitte les lieux. Son sanctuaire. Chaque pas amène son inspiration, elle a besoin de rester concentré. Ne pas se laisser submerger. Ne pas le laisser l'atteindre. Elle ne peut pas se permettre de prendre une minute pour se poser. On a besoin d'elle. Le trajet dans ses couloirs qu'elle connait par coeur c'est son seul moyen de faire le vide. Maija n'a pas besoin de chercher longtemps pour savoir où elle doit se rendre. L'agitation lui montre où l'action prend place. « Je suis là. Qu'est-ce qu'on a ? » Nouvelle paire de gants. Pas de temps à perdre. Ce son. C'est au tour de l'adolescent d'avoir le coeur qui s'affole. Mai s'accorde malgré tout une seconde pour souffler. Une seconde dont elle a besoin alors qu'elle s'approche de lui afin d'évaluer la situation. Cette aiguille. Elle a besoin de planter son regard dans celui Sohan. Elle a toujours su lire en lui, et elle a cette fois encore besoin de le faire. La meilleure manière pour eux de travailler. Elle a besoin de voir derrière la rancune. Elle a besoin qu'ils soient connectés. Parce que plus rien d'autre n'avait désormais d'importance. Si ce n'est la vie de ce gamin. Parce que surtout se déchirer n'aiderait en rien. Maija plonge dans ce regard d'azur alors que ses mains se joignent à celle de son ex-mari au-dessus de ce corps luttant pour sa vie. « On va avoir besoin d'un bloc et vite. » Ils doivent profiter de cet état de nouveau stabilisé, de ce moment d'accalmie pour le déplacer.

Ce besoin de sortir, de changer d'air. Profiter de l'instant présent, elle le ressent au plus profond d'elle. Devenu un besoin de vital. Un moyen de respirer. Après cette garde. Après aujourd'hui. Sortir est primordial. Plus de mari, plus d'enfant. Personne qui l'attend. Maija n'a pas envie de rejoindre les murs froids de son appartement. Elle a besoin de ressentir la chaleur de la liqueur qui coule le long de son oesophage. Pas besoin de compagnie, pas vraiment d'humeur festive. Juste un besoin de se changer les idées. Souffler. Assise au comptoir, chassant ses idées noires à coup de téquila. La rousse n'a qu'un besoin, celui de s'enivrer. Aucune envie de converser avec de parfaits étrangers. S'anesthésier avant de rentrer. De quoi apaiser les démons avant d’aller se coucher. Le repos qui s'annonce va être long. Elle a besoin de cet hôpital, de ces couloirs pour se sentir vibrer. Parce que aujourd'hui seul compte les instants où elle tient un bistouri entre ses doigts. Ces moments où elle change les enfants en guerrier prêt à aller combattre les dragons qui les assaillent. Pas assez soûl pour tolérer la présence de ce type à ses côtés, ni même pour l'écouter déblatérer ses belles paroles afin qu'elle en vienne à accepter de se glisser dans son lit. Un soupire avant que Maija ne lève les yeux au ciel. Finissant son verre avant de le reposer sur le bar. « Rends-nous service à tous les deux, va te trouver une autre victime. » Sans même prendre la peine de lui accorder la moindre attention, le même regard, elle espère juste lui faire comprendre qu'il ferait mieux de tourner les talons. Qu'elle ne serait pas celle avec qui il assouvirait ses pulsions bestiales. « J'en vois pas une qui t'arrive à la cheville. » Un rire finit par s'échapper de ses lèvres alors qu'elle secoue la tête. « Sérieusement? » Maija daigne enfin porter son attention sur cet inconnu. « C'est vraiment le genre de conneries qui fonctionne?  » La chirurgienne n'a clairement pas envie de se prendre la tête. Elle se lève quitte le comptoir, s'enfonce un peu plus loin dans ce bar. Mais il est de ceux qui n'aiment pas être éconduits, de ceux qui insistent dès qu'un non se fait entendre. Il lui attrape le bras, la forçant à lui faire face. « Aller je sais que tu en meurs d'envie, laisse-moi t'offrir un verre. » La rousse n'a même pas le temps de répliquer, elle à peine le temps de voir surgir cette brune de son coin. Devenue une simple spectatrice dans la scène qui se joue sous ses yeux. « Je suis désolée tu sais à quel point j'aime me faire désirer. » Pas le temps de lui demander plus de détails. De lui demander si elle ne se trompe pas de personne. Non elle lui coupe le sifflet en venant coller ses lèvres aux siennes. Geste qui aura au moins eu le mérite de congédier son prétendant. « Merci... Enfin je crois. » Maija ne peut cependant s'empêcher de poser un regard intrigué sur la jeune femme qui lui fait face. Inconnue qui en remplace un autre. Etranger chevalier surgit de nulle part sur son cheval blanc. « En général on prend généralement un verre avant d'embrasser un ou plutôt une étrangère. » Consciente qu'elle aurait eu du mal à se défaire de la situation sans son intervention, elle préfère alors en plaisanter. Encore plus alors que le type continue de les observer du coin de l'oeil. Tout penaud à côté de ses amis, sans doute entrain de le chambrer.

Le destin semblait décider à se jouer d'eux une nouvelle fois. Pas de fin de garde pour la chirurgienne, pas de bain moussant, pas de bouquin a lire sous la couette. Au lieu d'un moment réconfortant elle allait devoir affronter celui qui avait partagé sa vie. Celui qui avait toujours le don d'augmenter son rythme cardiaque. Sohan connaissait chaque partie de son être, et la réciproque était vraie. Cette capacité a tout donné ils l'avaient tous les deux. Si bien que très vite ils avaient su faire taire les bruits de couloir sur leur capacité à gérer leur statut de jeunes parents durant leur internat. Ils étaient le couple capable de tout surmonter. Tout à l’exception du deuil. Leur vie s’arrêtant en même temps que le rythme cardiaque d'Anna. Et pourtant malgré la rancune, les années passées ils n’en reste pas moins complémentaires. De l'amour à la haine il n'y a qu'un pas, elle l'avait appris à ses dépens. Alors aujourd'hui la rouquine appréhende. De se retrouver en compagnie de son ex-mari. Ces instants pouvaient être à double tranchant. Incapable de savoir sur quel pied danser. De savoir s'ils seront capables de travailler sans que les reproches ne fusent. Alors elle espère que ce cas où elle est appelée sera bénin, qu'ils n'auront pas besoin de s'enfermer dans un bloc. Que pour une fois ils sauront mettre leur rancune de côté. Que pour une fois ils ne vont pas se déchirer. Maïja donnerait tout pour ne plus voir cette haine dans ses yeux. Pour retrouver son ami à défaut de son mari. Cette oreille attentive sur laquelle elle pensait toujours pouvoir compter. Ce pilier si cher à son équilibre, était devenu un inconnu. En débarquant dans les urgences, la chirurgienne compte dans sa tête afin de faire le vide, de faire obstruction sur le collègue qui l'attend. Les yeux rivés sur cette aiguille plongée dans le bras de cet adolescent. « garçon de quinze ans, trouvé inanimé l'aiguille encore dans l'bras. » Elle détourne le regard un moment, elle a besoin que ce regard d'azur lui assure que rien ne viendra interférer dans leur travail. « il cumule les arrêts, déchirure aortique probable à cause de la came qu'il s'est envoyé. » La drogue encore une chose qu'elle avait du mal à comprendre. Quels soucis cet adolescent pouvait-il bien chercher à fuir? Quel problème pouvait lui sembler si insurmontable que seul ce poison puisse l'atténuer ? Une paire de claques voilà ce qu'il pouvait bien mériter, c'est ce qu'elle aurait fait si elle avait retrouvé Anna dans cette situation. Evénement qui n'aurait jamais lieu, pas de place au hasard, il n'y aurait pas non plus de remise de diplôme, de mariage ou de petits-enfants. Pas alors qu'elle avait été fauchée dans la fleur de l'âge. Une seconde. Voilà ce qui suffisait à faire basculer une vie.

Alors que l'état de ce gamin semble se calmer un instant, Maï affirme qu'ils ont besoin d'un bloc, même si ce détail n'a échappé à aucun membre de l'équipe. « allez on s'bouge on le descend. maintenant! » Le ton est donné alors que le chirurgien traumato fait avancer le brancard. Un nouveau ballet prend place alors qu'ils quittent les urgences pour rejoindre le couloir, avant de s'engouffrer dans l'ascenseur lorsque les portes s'ouvrent devant eux. « tu le prépares pendant que je vais me changer? » La jeune femme se pince doucement les lèvres alors que le chirurgien a les yeux rivés sur la paroi qui leur fait face, son coeur se serre à l'idée qu'une nouvelle dispute pourrait éclater entre les deux anciens amants. « Oui vas-y je m'occupe de lui. » Première fois qu'elle remarque la tenue de Sohan, comprenant ainsi pourquoi ils se retrouvent à travailler ensemble alors qu'ils n'auraient dû que se croiser. Sans son jogging nul doute que cet ado y aurait laissé sa peau. Une raison de plus pour ne pas le perdre. Maïja n'est pas sûr qu'ils pourraient faire face à la perte d'un enfant ensemble. Une nouvelle fois les portes s'ouvrent, alors que l'équipe se dirige vers les blocs avec le brancard, Sohan lui prend la direction afin de se changer. Dans le bloc, ce sanctuaire tout le monde s'affaire, tout le monde sait ce qu'il a faire. Le patient est installé dans la pièce, et l'anesthésiste se charge de le brancher de façon à vérifier ses constances durant l'intervention. Puis alors que la chirurgienne est en train de changer de blouse, de masque, pour finalement se laver les mains, les infirmières installent le champ opératoire. Elle profite de cet instant pour faire le vide, comme à chaque fois qu’elle a la vie d’un enfant entre les mains. Moment que Sohan choisit pour faire son apparition, le regard droit devant elle, sur cet ado. « Il a eu de la chance que tu passes par là. » Pourtant il n’était pas encore tiré d’affaire. Ils avaient du pain sur la planche. C’est aussi un moyen pour elle de tâter le terrain, de le sonder. Vérifier qu’ils étaient pour le moment du même côté.

La Canadienne avait besoin de passer une soirée tranquille. D’un remontant après cette journée. Maïja avait surtout besoin d’une raison pour ne pas rentrer chez elle. De s’enivrer avant de rentrer chez elle. Pas besoin d’une autre compagnie que celle de l’alcool. Mais ce type ne semble pas du même avis. Non il insiste pour lui rester dans les pattes. Un verre. La rouquine a beau tout essayé rien ne semble le ramener à la raison. Lui faire comprendre qu’il ferait mieux de retourner auprès de ses amis. Et alors qu’elle quitte le comptoir, il la suit. Encore. Cette impression qu’il ne la laisserait pas tranquille, pas tant qu’il aura obtenu ce qu’il veut. Pas du genre a cédé, même si elle tient à laisser tous ses problèmes derrière elle. Alors cette sauveuse sortie de nulle part est une bénédiction, un moyen d’avoir son havre de paix. Elle ne s’attend juste pas à ce qu’elle vienne l’embrasser. Elle se contente alors de rentrer dans son jeu. Efficace. L’inconnu tourne les talons. Enfin. « Mh, c'est pas mon style. J'aime pas tourner autour du pot. » Un rire s’échappe des lèvres de la rouquine. Ce détail ne lui avait pas échappé, en tout cas elle était surtout ravie d’être tirée d’affaire. « Mais rassure-toi, t'es pas mon style. T'es pas assez virile. » Nouveau rire de la part de la jeune femme. Au moins elle n’aurait pas à espérer un nouveau sauveur pour se sortir d’une situation dans laquelle elle ne veut pas se retrouver. Non elle pourrait enfin faire ce qu’elle souhaite. Boire.  « Me voilà rassurée je trouve que tu manques de testostérones aussi. » Plaisanterie alors qu’elle prend place à ses côtés et que le barman s’approche afin de prendre leur commande. « Kayla, enchantée. » Regard posée sur son interlocutrice, alors que le barman revient avec leurs consommations. « Enchantée. Maïja. Et merci. » Parce que al chirurgienne a conscience que sans son intervention elle serait toujours dans de beaux draps a essayé tant bien que mal de se débarrasser de son prétendant. « Dure journée ? » Parce qu’elle impression de se voir dans Kayla, que tout comme elle, elle semblait avoir perdu le contrôle de son existence.

Cela fait un moment maintenant que la rouquine enchaîne les bars. En quête de liqueur lui permettant d'anesthésier sa douleur, d'enfouir le passé un peu plus profondément dans son être. Elle a besoin d'une solution de secours quand elle est obligée de quitter son sanctuaire, ce havre de paix où son esprit est constamment occupé. Occupé à faire ce qu'elle fait de mieux, sauver les autres, a défaut de sauver elle-même. Maïja a besoin de chasser cette scène de son esprit, scène qu'elle ne peut s'empêcher de revivre continuellement, scène dont l'issue est favorable, lorsque cette fois elle intervient à temps pour tirer Anna en arrière, où l'impact est évité. Puis vient le temps de la dure réalité, celui où elle se rappelle que sa fille n'est pas saine et sauve grâce à elle. Non, c'est tout le contraire, elle n'est plus là par sa faute. Sa fille a péri à cause de son côté tête en l'air, erreur lui coûtant son mariage. Sa fille a péri à cause de son côté tête en l'air, erreur lui coûtant son mariage. Se contentant alors d'agir comme une automate, répéter les mêmes gestes encore et encore. Punition qu'elle s'inflige pour avoir failli a son devoir de mère.

Ce soir de repos n'est pas différent d'un autre, la jeune femme est assise au comptoir. Verre de tequila devant elle, besoin de rien d'autre si ce n'est de sentir la chaleur de l'alcool parcourir son corps. « t’es venue en redemander? » Un rire fini par s'échapper de ses lèvres alors que son regard se porte sur celui qui vient de faire son entrée dans ce bar, qui vient de s'installer à son tour. « Ça me parait bien prétentieux ça. » Verre qu'elle englouti d'une traite. Et pourtant, en sa compagnie, c'était la première fois qu'elle s'était sentie vivante, réellement vivante, et ça depuis des mois, années. « Qui me dit que c'est pas toi qui m'a traqué. » Petit sourire amusé dessiné sur les lèvres de la jeune femme, elle doute que ce soit le genre de la maison. Lui non plus semblait ne pas avoir été épargné par la vie, ça semblait être le cas d'une bonne partie de la population de cette ville. Peut-être attirait-elle les personnes brisées, toujours est-il qu'elle n'avait jamais eu le courage de partir, peut-être parce qu'elle aurait l'impression de laisser sa fille de côté. « T'as une sale mine, t'as fini au tapis? » Il n'avait pas le visage marqué, loin de là, rien qui pourrait lui affirmer qu'il sortait d'un combat, il avait juste les traits tirés. Et surtout l'état de ses pupilles n'avait pas échappé à la jeune femme. La drogue. Elle avait vu bien trop de gamin débarquer dans ses urgences à cause de cette merde.

La Canadienne ne veut pas se plaindre, si elle a été surprise par l'acte de l'inconnue qui lui fait face. A savoir se faire embrasser sans n'avoir rien demandé à personne, elle est plutôt ravie après tout, cela a permis a son prétendant de mettre les voiles. Si Maïja pensait passer la soirée en solitaire à noyer son désespoir jusqu'à plus soif elle n'est finalement pas contre cette idée d'avoir de la compagnie. Surtout en sachant que la femme l'accompagnant ne cherchant pas a savoir ce qui se trame sous ses vêtements. « Tout ces efforts gâchés.. merde. » Son rire se joint à celui de la brune alors que toutes les deux reprennent place au comptoir de façon à reprendre commande, tout en faisant les présentations. Maïja ne peut s'empêcher de faire une remarque au sujet de la présence de Kayla ici, curiosité sans doute mal placé, mais elles semblaient être ici pour la même raison, se changer les idées. « Elles sont toutes difficiles ces derniers temps. » Ça, elle ne pouvait que le comprendre depuis la perte de sa fille les mauvaises journées semblaient s'enchaîner. Le pire c'est que parfois elle se dit que Anna collerait bien une paire de claques à ses parents pour la manière dont ils se comportent, la manière dont ils s'étaient déchirés tous les deux. Elle donnerait tout pour le retrouver, pour que la manière qu'il a de la regarder change à nouveau, que la rancoeur le quitte. Un léger sourire s'esquisse sur ses lèvres quand elle la voit boire son verre d'une traite. « Toi aussi? » Elle sait que son acolyte se doute de la réponse à venir. Si sans son boulot elle n'est pas sûre qu'elle arriverait à mettre un pied l'un dedans l'autre, une raison de se lever le matin. De continuer à vivre tout simplement. « Je ne te le fais pas dire. » Des journées difficiles au travail il y en avait mais aujourd'hui elle avait enchainé les difficultés, les arrêts. La perte d'un enfant la menant inévitablement jusqu'à sa propre perte. « Tu fais quoi dans la vie? » La rouquine se permet de la questionner, d'en savoir plus à son sujet. Elle n'est pas contre l'idée de faire plus ample connaissance avec elle. Son instinct lui dit qu'un peu de compagnie ne pourrait pas leur faire de mal, au contraire. Qui sait, cela pourrait même être le début d'une amitié entre les deux jeunes femmes.

Ce jour de repos, la Canadienne l'attend depuis plusieurs jours maintenant. Elle sait que la journée qui s'annonce va être agréable, loin de tous soucis. Dont le seul but sera juste de profiter. Profiter du moment présent. Profité de cet ami qu'elle s'était fait. Bruce. Celui qui pouvait comprendre ce sentiment de vide qui vous habite. Ce sentiment qui vous ronge de l'intérieur à la perte d'un enfant. Celui qui vous déchire à la perte de l'être aimé, celui qui était supposé vous accompagnez jusqu'à la fin. La dissolution d'un mariage. Ce point final qui doit vous permettre de respirer à nouveau, de laisser le combat de côté, mais qui au final ne vous apporte que le néant. Bien évidemment elle se doute que le temps qu’ils passent ensemble peut faire jaser. Donner libre court à l’imagination des passants. Mais la rouquine s’en fiche, pas de sous entendu pour elle, de simples amis. Pas du genre à se fier aux ragots, et surtout elle n’avait plus de compte à rendre. A qui que ce soit, cette bague avait quitté son doigt depuis longtemps. Elle était en droit de refaire sa vie si elle le voulait. Même si pour ça elle devrait d’abord se reconstruire.

Un court trajet est nécessaire pour qu’elle puisse rejoindre la pension. Chemin qu’elle connaît par cœur, ayant pour habitude de se rendre ici depuis son arrivée en ville il y a maintenant vingt-quatre ans. Les bêtes. Les seuls qui ne vous jugent pas, restent toujours à vos côtés. Quittant sa voiture fraîchement garée sur le parking Maïja rejoint son ami qui s’affaire déjà à préparer les chevaux. « Comment ça va, Maija ? » Le sourire qu’il aborde est contagieux, elle en fait de même. « Très bien et toi? » Le sourire toujours accroché aux lèvres elle arrive à sa hauteur. Ce moment de répit elle en avait grand besoin, sortir un instant de cette bulle dans laquelle elle se plonge depuis la mort d’Anna. Bulle ou elle se démène pour sauver les enfants des autres. Éviter cette lourde perte à quelqu’un d’autre. « Ça fait une éternité en plus... Le temps passe vraiment trop vite. » Tous deux pris par leur travail respectif. « Je te le fais pas dire, et il parait que ça s’arrange pas en vieillissant. » Une légère plaisanterie et cependant cela n’en restait pas moins vraie. Elle se souvenait trouver le temps long lorsqu’elle était petite. Puis elle avait passé ce cap, celui où les secondes vous glissent entre les doigts. « Est-ce que tu veux prendre le temps de boire un café ou on attaque direct ? Les chevaux sont prêts en plus. » Elle hésité un petit instant, mais elle s’approche assez rapidement des chevaux, se mettant alors à caresser l’un des deux. « S’ils sont prêts autant qu’on y aille maintenant, je dois dire que je suis assez pressée. On pourra se prendre le café après. » Un nouveau sourire se dessine sur ses lippes, alors que son attention se reporte sur les bêtes. Non pas qu’elle veuille que cette journée se termine, loin de là, elle n’a juste pas eu l’occasion de monter à cheval depuis quelques mois maintenant, trop prise par son emploi.

Des fois Maïja se demande comment elle peut avoir bien voulu se lancer dans cette spécialisation, les enfants. Elle se donne corps et âme pour les aider du mieux qu’elle le peut. Mais ces coups de massue qu’elle apporte aux parents parfois l’achève un peu plus chaque jours. Elle ne connaît que trop bien cette douleur que l’on peut ressentir. Ces moments elle fait t’ouït pour les éviter. Elle se donne à fond, plus encore maintenant. Elle fait tout pour leur apporter de la magie. Pour essayer de soigner elle aussi par la même occasion. Parce qu’il fallait bien l’admettre c’était les couloirs de cet hôpital qui lui permettait de rester en vie. Lui donner une raison chaque matin de mettre un pied l’un devant l’autre. Ces enfants lui avait permis de ne pas sombrer lorsqu’elle avait perdu la prunelle de ses yeux. Tout était n’était pas pour autant facile. Croiser Sohan était devenu une torture, elle en avait assez de se battre, elle voulait juste se blottir contre lui, l’entendre lui dire que désormais tout irait bien, qu’il était là. Fini cette rancoeur qui les ronge de l’intérieur. C’est la raison pour laquelle avec Ava elle avait cherché un nouvel endroit où se poser, un endroit où grignoter et partager. Elle n’avait eu aucun mal à trouver. Le couloir de la morgue est désert. Personne ne prend de plaisir à traîner ici, personnes à part elles.

Un détour par la cafétéria et la rouquine rejoint donc leur quartier. Sa meilleure amie est déjà là. Ava s’était la sœur qu’elle n’avait jamais eu. Elles étaient si complémentaire. Elle était sa moitié, celle avec qui elle passerait le reste de sa vie, à défaut d’avoir pu le faire avec son ex-mari. Maï cependant la sait partagé, parce qu’avec Sohan ils formaient un trio de choc. Et aujourd’hui les deux amants peuvent à peine passer du temps ensemble sans se déchirer. « T'es en retard. » Elle s’installer à ses côtés alors qu’elle commence à manger son sandwich. « Si seulement tu étais chirurgienne et que tu connaissais les urgences. » Petit coup de coude histoire de la charrier un peu plus. « Non en vrai y avait du monde à la cafet. » Elle n’allait pas se plaindre de ne pas avoir eu d’urgence à gérer. « Ta matinée s’est bien passé? » Curieuse de savoir si la matinée de sa meilleure amie avait été plus mouvementé que la sienne. C’était agréable aussi parfois de juste se contenter de faire le tour des visites.

Maïja n'a jamais eu trop de mal à aller vers les autres. Et avec cette soirée elle a l'impression qu'elle pourra élargir une nouvelle fois son cercle d'amis. La brune s'était celle sur qui elle ne s'attendait pas a tomber dans ce bar. Si l'objectif était de noyer sa peine a l'approche de l'anniversaire de sa fille, elle n'était pas contre le faire avec un peu de compagnie. Surtout qu'elle venait de la sauver d'une mauvaise posture. Et puis faire connaissance serait aussi un bon moyen de penser à autre chose. Alors qu'elles commencent toutes deux à boire, installer au comptoir du bar. Les questions commencent doucement, la plus importante. Son occupation. A défaut de lui demander ce qui peut la pousser elle aussi à venir se soûler. « Je suis prof de littérature au lycée, en ville. Autant te dire que gérer des ados en plein crise existentielle n'est pas évident tous les jours. » Un petit rire s'échappe de ses lippes alors qu'elle repose son verre sur le comptoir. Effectivement elle avait bien du courage, gérer une bande d'adolescents était sans doute loin d'être chose, surtout lorsqu'à cet âge ils préfèrent se concentrer sur leurs hormones que leurs cours. « Tu m'en diras tant, mais c'est quelque chose que tu aimes? » Maïja part du principe que l'on choisit cette voix par passion. Celle de transmettre son savoir à d'autre. La meilleure façon pour elle d'enseigner, sans cette étincelle dans les yeux aucune chance pour faire votre boulot correctement. « Et toi, tu fais quoi? » Juste retour des choses, la jeune femme considérait qu'il fallait faire ce métier par choix. S'accrocher pendant des années pour enfin toucher le but ultime. Supporter les gardes, les horaires. « Je suis chirurgienne en pédiatrie. » La Canadienne elle avait eu une charge supplémentaire par rapport au reste de sa promotion. Elle avait dû gérer sa grossesse, puis surtout avec Sohan ils avaient dû concilier leurs emplois du temps pour élever leur petite fille. S'assurer de son bien-être. Elle avait cru que c'était une affaire rondement menée que depuis toutes ces années tout allaient bien. Elle pensait que Anna continuerait de grandir et les surprendre. Envolé les beaux rêves qu'elle avait pour sa fille, elle n'était plus. Fauchée dans la fleur de l'âge à cause d'un oubli. Son erreur, celle avec laquelle elle devait apprendre à vivre. Foutues clefs. « Autant dire que c'est pas facile tous les jours non plus. » Être en pédiatrie ne vous évitez pas les complications, loin de là. Peut-être plus difficile à gérer, parce qu'en cas de drame vous n'avez pas à faire une veuve éplorée, mais bien à des parents qui vont voir leur monde s'écrouler. Même avec le recul elle ne changerait de spécialité pour rien au monde, parce que leur sauver la vie c'est la meilleure chose qui se passe dans la sienne actuellement.

Cette soirée prend une tournure des plus agréables. Elle n’est pas contre les nouvelles rencontres, au contraire elles peuvent souvent être le prémisse d’une belle histoire. Elles pourraient, qui sait, se trouver de nombreux communs. Et même si ce n’est que le temps d’une soirée, elles auraient toutes les deux passé un bon moment. Des connaissances loin de son cercle, de l’hôpital, Maïja n’en avaient pas vraiment. Il faut dire qu’elle y passait les trois quarts de temps. Pas le temps de chercher de nouvelles relations. A peine le temps d’en prendre pour elle. Tout en buvant la rouquine apprécie le début de cette conversation. Premier point commun. Les enfants. Si Maï se démenait pour s’assurer de leur survie, Kayla elle s’occupait de leur instruction. Pour avoir vu des ados défiler elle sait que ça peut être compliqué. Pas l’âge le plus facile. Au contraire. Celui qui vous donne envie d’en prendre un pour taper sur l’autre. « Oui, j'adore ça! C'est un challenge aussi de leur faire comprendre les choses. » C’est une chose qu’elle comprend. Elle aussi à ce plaisir de transmettre sa passion aux internes. De faire naître cette étincelle, pour que l’un d’eux se tourne vers cette spécialité. « Tu m’étonnes mais ça doit être si gratifiant quand ils comprennent. » Maï ne tarde pas à l’informer de sa profession. Celle où elle ne peut pas se permettre de laisser son cœur prendre le dessus. Il est si facile de s’attacher à ces petits êtres. « Wow, c'est impressionnant. J'imagine que ça ne doit pas être facile tous les jours. Déjà avec les adultes, j'imagine la difficulté, mais des enfants, c'est encore plus admirable! » Pas toujours facile de trouver le problème. Déceler l’endroit où tout va mal. Parce que les adultes savent trouver le départ de leurs maux. Pas toujours le cas pour les humains miniatures. « Je vais pas mentir. Il y a des jours pires que d’autres. » Mais il y avait pire. Annoncer a une femme qu’elle devient veuve n’est jamais facile. Lui annoncer qu’elle vient de perdre la chair de sa chair est insupportable. Encore plus depuis qu’elle avait conscience de ce que cette annonce peut vous faire. Elle ne s’y habituera jamais. Ce qui l’a poussé à devenir la meilleure dans son domaine. Elle se supporte pas la perte. Son verre terminé, un signe de la main pour en commander un autre avant de reporter son attention sur la jeune femme. « Tu vis ici depuis longtemps? » La chirurgienne avait parfois tendance à oublier qu’elle n’était pas née ici. Les années filent et elle ne souvient pas de la dernière fois où elle a posé le pied sur sa terre natale. « Bientôt vingt-cinq ans, mais je suis née à Vancouver. Et toi? » Ses souvenirs devenant vagues, pourtant elle appréciait ces paysages enneigés, cette teinte orangée que prenaient les arbres aux premières lueurs de l’automne. Elle aurait tant aimé y amener Anna. « Je peux me permettre de te demander ce qui te met dans cet état? » Elle craint d’être indiscrète alors qu’elles ne se connaissent pas. Cependant elle sait qu’il est parfois plus facile de se confier à un inconnu. D’y trouver une oreille attentive.

Ça lui fait du bien de passer du temps avec Ava. Ce petit moment de répit lorsque les journées sont difficiles, que les pertes sont présentes. Pas moyen de trouver du réconfort dans les bras de Sohan, désormais c'est vers sa meilleure amie qu'elle se tourne à chaque fois. Toujours présente dans les bons comme dans les mauvais moments, elles pouvaient tout se confier. Celle qu'elle appellerait en pleine nuit pour l'aider à camoufler un crime. Ce trio qu'il formait n'exister plus. Elle sait que la chirurgienne en traumato est dans une position délicate, et elle ne lui en veut pas de continuer à voir son ex-mari. En plus d'être son boss entre ses murs, il restait un très bon ami de la brune. Y avait qu'à voir lorsqu'ils avaient dû choisir une marraine à Anna, le choix c'était porter direction sur Ava. Quand elles ne peuvent se retrouver en dehors, c'est à leur spot habituel qu'elles se rejoignent, celui où elles ne seront dérangées que par leurs bipeurs. Personne autour. Libre de toute conversation. Pas de jugement. Ava déjà bien installée n'hésite pas à la chercher, c'était de bonne guerre, Maï le lui rend bien. « Chirur-quoi? Connaît pas, désolée. » Un rire s'échappe de ses lèvres alors qu'elle s'installe à son tour sur le brancard. « Je ne comprends pas que tu t'acharnes à bouffer ces horreurs de la cafet. C'est ignoble sérieux. Regarde la tronche de ta purée... ça va que t'es à déjà à l'hôpital... » Haussement d'épaules, pas la nourriture qu'elle préférait, mais ça restait mangeable. « Je sais mais j'étais déjà en retard pour te rejoindre, au pire ça me donnera quelques jours de repos. » Peut-être qu'elle était là la clef pour faire rester les gens ici. De la nourriture immonde pour les garder un peu plus. Alors qu'elle commence à picorer elle interroge la brune sur sa matinée. « Plutôt oui. J'ai juste été voir que les patients récupèrent bien. Aucun interne n'a vomi pendant l'opération d'un tibia, donc on va dire que c'est une bonne matinée. Et toi? » Maïja ne pouvait qu'approuver cette réponse. « Avoue que t'aime quand ils rendent leurs tripes. » Parce que c'est amusant de les voir s'écrouler, et parce qu'elles étaient elles aussi passées par là. « Mais comme pour toi c'était plutôt calme, juste le tour des enfants. » Pas grand chose à dire de plus, elle n'allait pas se plaindre du manque d'action, bien au contraire. « Bon et sinon comment ça se passe à la maison? » La Canadienne préfère prendre les devants, que la conversation soit tournée vers sa meilleure amie et son triangle amoureux. Elle n'a pas vraiment envie de lui laisser l'occasion d'amener son ex-mari sur le tapis.

Ce monde ne tournait plus rond depuis longtemps. Maï se sent parfois dépassée par la tournure des choses. Ces détails qui lui échappent. Comment des adolescents peuvent se détruire si facilement, comment leurs proches ne pouvaient pas se rendre compte de leur mal-être. Parce qu’elle se dit qu’elle aurait été là pour sa fille. Cet esprit d’être cette oreille attentive pour son bien le plus précieux. L’insouciance n’avait pas sa place dans ce monde. Son métier ne cesse de le lui rappeler un peu plus chaque jour. Ce gamin dont la vie ne tient qu’à un fil en est une nouvelle fois la preuve. Un rappel de la misère. Elle n’a pas envie de chercher à joindre ses parents. Elle n’a pas envie de gâcher le reste de leurs jours. Ces mots qui la ramènent inévitablement vers Anna. Ce jour où son monde s’est écroulé sous ses pieds. Alors la chirurgienne refuse de le perdre. Ils doivent se battre pour lui. Ils doivent mettre leur ressenti de côté. Parce qu’elle a besoin qu’il forme à nouveau cette équipe de choc. De séjour dans l’ascenseur lui paraît durer des heures. Ce présentement que Sohan ne lui rendra pas la tâche facile. Cette vie en danger nécessite le maximum de ses capacités. Impossible pour elle de laisser ses pensées dévier.

Elle profite de l’absence de son ex-mari, partis enfiler une tenue plus adéquate pour la rejoindre dans le bloc, pour essayer de le chasser de son esprit. Se concentrer sur ce qui est important. Sur ce qui va se dérouler dans ce lieu sacré. De réfléchir à la moindre complication possible. Lorsqu’il la rejoint alors qu’elle continue de se laver les mains, les yeux rivés sur le spectacle commençant sans eux, elle essaye. Elle tâte le terrain. « on est personne pour juger, mais j'comprends pas la manie qu'ont ces gamins à s'abîmer. » Maï se mord l’intérieur de la lèvre pour éviter de dire ce qu’elle pense. Pas besoin d’être un gamin pour chercher à s’abîmer. Y avait qu’à les regarder. Ils avaient passé les dernières années de leur vie à se détruire. « allons-y, le petit n'as pas le temps qu'on se mette à remercier les cieux de mon arrivée. » Ses yeux quittant enfin les infirmières et l’anesthésiste pour se poser sur ce regard d’azur avant d’acquiescer. Égal à lui-même. Il a pas prévu de rendre la chose facile. Et pourtant ils vont s’enfermer dans ce bloc. Gants enfilés ils s’apprêtent à jouer une partition qu’ils connaissent par coeur. « prête? » Pas vraiment, une partie d’elle regrette que son intervention ait traîné. Qu’elle se soit trouvée encore entre ses murs quand il a fait son entrée. Hochement de tête. Elle craint de ce qu’ils vont trouver à l’intérieur.

Les doutes de la Canadienne se confirment alors que Sohan incise. Un vrai gâchis. « maï, j'ai jamais vu un myocarde aussi abîmé. putain il a quinze, seize ans à tout casser?! » Un miracle qu’il n’ait pas rendu l’âme avant. Ses mains présentes avec les siennes. Ses tissus. Un carnage. Ils allaient avoir du fil à retordent. Elle secoue la tête. « Il est où le plaisir à se bousiller comme ça. » Elle aussi le fait, elle noie son chagrin dans l’alcool. Encore plus ces derniers jours avec cet anniversaire arrivant à grands pas. Mais jamais elle n’irait jusque là. S’injecter une substance aussi nocive. Leurs mains s'activent mais rien ne change. C’est l’électrocardiogramme qui donne le ton, la magie ne pourrait rien pour lui. Ils ne peuvent rien pour lui. Trop de dommages. Maï a l’impression qu’il n’y a plus de tissus sains. Plus rien à se raccrocher. Plus rien à préserver. Et ce bip qui a décidé de la rendre dingue. « Palettes. » Encore besoin d’un choc, ce corps qui doit encaisser plus qu’il ne peut le supporter. « Charger... On dégage. » Les mains de son ex-mari quitte la poitrine de l’enfant. Rien. Aucune réaction. « Encore. » Elle s’acharne, Maïja a besoin qu’il revienne. Elle a besoin de le sauver. Cette ligne résignée à rester plate. Refus d’accepter la triste vérité. Refus d’admettre cet échec. Plus fort qu’elle, Maï envoie valser le plateau d’instruments à ses côtés sous la surprise générale. « C'est pas possible d’être aussi stupide. » Pas pour habitude d’exploser de la sorte. Elle était celle qui restait calme en toutes circonstances. Savait prendre sur elle. « Allez vas-y fait toi plaisir, dis-le, ma faute. » Elle reporte sa fureur sur Sohan, parce qu’à défaut d’avoir pu ramener un rythme cardiaque dans le corps de l’adolescent présent entre eux c’est le sien qui s’emballe. Ce besoin soudain de se défouler sur celui qui en connaît le tempo. Parce que c’était son domaine. Elle aurait dû être en capacité de réparer.

Cette journée s'annonce être des plus agréables. Un havre de paix dans son emploi du temps. Plongée a corps perdu dans son travail pour chasser les idées noires qui se rapprochent en même temps que cette date infernale. L'occasion de retrouver un ami avec lequel Maï n'avait pas eu l'opportunité de passer du temps. Et a en juger par les instants partagés avec sa meilleure amie, ils avaient des choses à rattraper. Elle comprenait mieux l'absence de l'anglais. Cette distance qu'il tenait a mettre avec sa meilleure amie. Loin d'accepter cette trahison, l'adultère, Maïja voyait bien le comportement d'Ava changer. Cette lueur dans le regard qu'elle avait en compagnie de son beau-frère, plus tellement d'étincelle en présence de son mari. Pas sûr que son choix fut le bon. Témoin d'une idylle vouée à l'échec. A défaut d'avoir pu sauver sa propre union la Canadienne aimerait qu'Ava soit enfin heureuse, après toutes les péripéties qu'elle avait dû vivre elle le méritait. Si les débuts étaient heureux, Parker était la seule chose positive que Marcus avait pu lui apporter ces dernières années. Ce rayon de soleil dans la vie de son amie, plus rien d'autre ne compte, ce sentiment qu'elle comprenait. La chair de sa chair devenant l'unique priorité. La rouquine n'avait jamais été une grande fan de Marcus, ce petit quelque chose qu'elle avait toujours gardé pour elle pour le bien d'Ava. La détérioration de leur histoire ne faisant que renforcer ce sentiment. Cette envie grandissante de la voir passer le cap, de ne plus seulement se contenter de toucher du doigt le bonheur. Nul doute que Landon pourrait le lui apporter.

Après quelques échanges par sms avec l'ambulancier, ils avaient tous deux convenu d'un rendez-vous. La jeune femme après s'être préparé attendait patiemment en bas de son appartement la venue de celui avec qui elle devait déjeuner et passer une bonne partie de l'après-midi. Pile à l'heure, un sourire se glisse sur ses lippes alors qu'elle s'avance en direction de sa voiture. « Salut toi. » C'est toujours toute souriante qu'elle prend place dans le véhicule, réellement ravie de l'instant qu'ils s'apprêtent à partager. « Comment tu vas? Ça fait longtemps. » Trop. Plus qu'une connaissance, à force de passer du temps avec leur amie commune, ils avaient fini par en passer tous les deux. Se retrouvant en grande partie dans cet hôpital qui faisait partie intégrante de leur vie, bien qu'il ne soit qu'un endroit de passage l'ambulancier. Une partie d'elle ne peut s'empêcher de croire qu'il l'évite, peut-être par peur de la trouver en compagnie de celle qui fait s'emballer son coeur. Sentiment qu'elle ne peut que comprendre tant elle sent ses entrailles se déchirer quand son regard croise celui de son ex-mari.

Le trajet jusqu'au petit restaurant italien dans le quartier de Moseley se fait sans encombre. Voiture garée, leur conversation continue alors qu'ils progressent en direction de l'entrée. « Une table pour deux au nom de Abott. » Maï avait préféré prendre les devants. S'assurer qu'une table les attendrait bien dans ce petit italien qu'elle appréciait, qu'ils n'auraient pas besoin de se chercher une solution de secours. L'hôtesse les guide alors vers une petite table dans le fond près d'une fenêtre. Installée Maïja ouvre le menu qu'elle tient entre ses mains. « Qu'est-ce qui t'arrives alors? » Une autre question pour l'empêcher de lui poser celle qui lui brûle les lèvres. L'envie de savoir pourquoi lui aussi cherchait à fuir son propre bonheur. Enfin non. Elle savait. Marcus était son frère. Plus fine que ça, elle préfère attendre, l'objectif n'étant pas de le braquer. Bien que désireuse d'avoir des réponses, elle voulait surtout profiter d'un bon déjeuner entre amis.

Cette date lugubre qui approche, celle qui lui donne envie de noyer ses idées noires. Cet anniversaire maudit dont elle ne voudrait pas se souvenir. Journée qu'elle revit inévitablement, elle aurait pu croire que les détails finiraient par s'estomper avec le temps. Il n'en est rien. Chaque seconde écoulée reste ancrée dans la mémoire de la Canadienne. Du bruit de l'impact jusqu'à l'annonce du décès. Pas de mari sur lequel se reposer, alors Maï va chercher le soutien là où elle ne sera pas jugée. Ses réunions où elle a pris l'habitude de se rendre. Se retrouver en compagnie d'autres personnes ayant subi le même drame. La perte de leur bien le plus précieux. Elle ne ressent pas toujours le besoin de parler, de se confier sur ses états d'âme. Le seul fait de se retrouver en compagnie d'autres personnes la soulage. Chaque réunion l'aidant a accepté un peu plus cette situation. Qui sait un jour elle pourrait peut-être finir par complètement se pardonner pour avoir laissé Anna quelques minutes à peine. Ce soir fait partie de ces moments elle a juste besoin d’écouter. Entendre les nouvelles têtes se confier sur leur nouvelle perte. Les écouter faire aux nouveaux sentiments qui les habitent. Cette colère mêlée au chagrin. Assise les jambes croisées, son regard scrute les participants. Son attention est vite accaparée par Duane, homme lui aussi brisé malgré la carapace qu'il tentait d'aborder. De ceux qui préfèrent se terrer dans le silence.

Les discussions finissent par prendre fin, laissant placent au balai des chaises qui se déplacent alors que les participants se lèvent à tour de rôle. Certains quittant rapidement les lieux pour reprendre le cours de leur vie. Alors que d'autres en profitent pour continuer leurs échanges. Maïja elle aussi quitte sa place, une idée bien précise en tête, se faufilant parmi les personnes encore présente dans le but d'intercepter le détective en arrêt. « Duane. » La rouquine lui saisit doucement le bras en arrivant à sa hauteur. Cette mine fatiguée, elle ne la connait que trop bien. Alors qu'elle s'était réfugiée dans son travail, elle savait que le réconfort qu'il avait choisi était tout autre. « Ça fait longtemps. » Longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion de discuter avec lui, mais aussi longtemps qu'il ne s'était pas présenté ici. « Tu as quelques minutes à m'accorder? » Parce que Maï se fait du souci pour lui, elle veut être pour lui cette oreille attentive qui lui permettra de reprendre le contrôle de sa vie. Arrêter les conneries et reprendre le chemin du boulot lui permettrait de remettre le pied à l'étrier. De commencer à accepter les choses. Sans ça il ne sortirait pas de ce cercle vicieux. « Aller viens, je te paye un café. » Après quelques secondes de réflexion elle ne lui laisse pas l'occasion de refuser, elle l'entraîne avec elle dans la rue, jusqu'au petit café situé à quelques pas de là. La caféine ne lui ferait pas de mal, au contraire.

Maïja a appris a profiter de ces petits instants, ces petits moments de bonheur. Passer du temps en compagnie de Bruce en fait partie. Sûrement parce que les tous deux sont passés par le même chemin, s’aidant mutuellement à remonter la pente après avoir eu le cœur brisé. Difficile pour la rousse d’oublier son ex-mari alors qu’il arpente lui aussi les couloirs de l’hôpital. Pour autant elle essaye de passer outre, de se reconstruire pleinement. Plonger à corps perdu dans le travail fut d’une aide précieuse. Se concentrer ailleurs pour éviter de penser aux peines de cœur. Encore une fois, elle préfère chasser Sohan de ses pensées, refusant de gâcher sa journée avec son ami. C’est la raison pour laquelle la chirurgienne préfère qu’ils sautent directement sur l’occasion, et commence directement leur balade, ils auraient bien le temps de prendre un café après. Rien ne presse. « ça marche, faisons comme ça. Puis, je crois que les chevaux sont impatiens. » Maï aussi était impatiente de monter, sa dernière balade lui semble si lointaine. Si bien qu’elle ne se fait pas prier pour suivre Bruce en direction de l’écurie. « Pour aujourd’hui, tu auras Brutus… » Un rire s’échappe des lèvres de la jeune femme alors qu’elle saisit les rênes, le caressant au niveau de l’encolure. « Je te rassure, il est doux comme un agneau. Son nom lui a été donnée par des propriétaires bien cons. » Un léger sourire se dessine à la commissure de ses lèvres. Malheureusement pas les derniers à agir de la sorte. Un de nombreux comportement qu’elle avait parfois du mal à comprendre. « J’ai cru l’espace d’un instant que tu allais essayer de te débarrasser de moi. » Maigre plaisanterie aux propriétaires de Brutus. Faisant sûrement partie de cette catégorie pour qui il devrait être interdit de se reproduire.

Se dirigeant vers la selle, Maïja continue de caresser l’animal. « Tu veux de l’aide pour te mettre en selle ? » La rouquine hoche la tête de manière négative avant de se hisser sur l’animal. Elle attend sagement que Bruce monte à son tour. Chose faite, ils s’élancent tous les deux. « Il fait tellement beau, le printemps c’est tellement reposant n’est-ce pas ? » Elle ne pouvait qu’être d’accord. L’air frais, un endroit calme il n’y avait rien de plus apaisant. Certains pourrait la prendre pour une folle, cet apaisement elle le trouve au sein du bloc opératoire. « Oui et c’est surtout ressourçant de se trouver à l’écart de tout. Un petit coin de paradis comme on les aime, et sans même avoir besoin de quitter la ville. » Pas besoin de faire des milliers de kilomètres pour voir autre chose. On oublie que parfois de vrai trésor se trouve à proximité. « ça doit te changer de l’hôpital, des monitorings incessants… ça se passe bien d’ailleurs ? » Les oiseaux étaient effectivement bien plus agréables à écouter que les monitorings. « Et bien tu sais des fois je n’attends qu’une chose, me retrouver au bloc. C’est mon petit sanctuaire. Ça va, tout dépend des jours. » Certains étaient plus difficile a vivre, ceux où elle ne peut rien faire si ce n’est apporter du malheur à des parents aimant. Par chance elle est douée dans son domaine et ces derniers sont rares. « Mais pour être honnête j’avais besoin de ça, je me suis retrouvée sur un cas avec Sohan et ça ne s’est pas vraiment bien passé. » Euphémisme alors qu’elle avait fini par exploser. « Et pour toi alors comment ça se passe ? Tout se passe bien chez les Sisters? » Travailler en famille pouvait s’avérer parfois plus désastreux que concluant. Chance pour son ami ça ne semblait pas être le cas, sûrement quelques sujets discordes mais rien de plus que ceux d’une famille ordinaire.